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16 novembre 2006

Nicolas Sarkozy oscille entre libéralisme et gaullisme social

Depuis six mois, Nicolas Sarkozy a avancé des propositions en contradiction avec un libéralisme économique qu’il a pourtant toujours revendiqué.

 

Son entourage assure que Nicolas Sarkozy « n’a pas changé ». Et pourtant... Depuis six mois, le président de l’UMP semble troquer son « gaullisme libéral » pour un « gaullisme social », naguère incarné par Philippe Séguin. Au grand dam d’une partie de ses soutiens, de l’ancien premier ministre Édouard Balladur à Hervé Novelli, chef de file du courant le plus libéral de l’UMP, qui ont tous les deux pris la plume pour s’en inquiéter. En cause, notamment : la proposition de Nicolas Sarkozy, dans son discours de Périgueux, le 12 octobre dernier, de rendre opposables devant les tribunaux trois droits sociaux (logement, garde des enfants, dépendance des personnes âgées) afin de « passer des droits virtuels aux droits réels ».

Une idée qui a fait bondir l’ancien président de Démocratie libérale, Alain Madelin. Si certains y ont vu « une tonalité franchement sociale », il estime, lui, « qu’il s’agit de propositions franchement socialistes ». Voilà qui serait paradoxal de la part de Nicolas Sarkozy qui, même à droite, est l’un des rares hommes politiques français à avoir toujours revendiqué son libéralisme économique et mis en avant sa vision d’une « droite décomplexée » rompant avec « la pensée unique social-démocrate ». Contrairement à une grande partie de ses anciens compagnons du RPR qui ont toujours répugné à se dire « de droite » et « libéraux », par tradition gaulliste ou par conviction. « Le libéralisme ce serait aussi désastreux que le communisme », affirmait par exemple l’année dernière encore Jacques Chirac, dans le contexte des débats sur la Constitution européenne.

L’« opposabilité des droits » n’est pas le seul indice d’un changement de ton de Nicolas Sarkozy. Dans son discours d'Agen, le 22 juin 2006, le président de l’UMP a entre autres dénoncé « le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d’achat, en déficits et en endettement public ». Dans les années quatre-vingt-dix, Nicolas Sarkozy en était pourtant l’un des plus ardents défenseurs. « La politique du franc fort s’impose clairement, assurait-il en 1992. Ce n’est pas une affaire de majorité parlementaire ou de choix politique ; c’est tout simplement l’intérêt de la France ». De fait, à partir de 1983 et jusqu’à l’adoption de l’euro, les gouvernements de gauche et de droite ont tous suivi cette orientation définie par Alain Minc comme « le cercle de la raison ».

À l’époque, seule une poignée d'hommes politiques, à droite (Philippe Séguin au RPR) ou à gauche (Jean-Pierre Chevènement au PS), dénonçaient cette « pensée unique » et proposaient une « autre politique ». Or ce n’est pas un hasard si Nicolas Sarkozy s’y réfère aujourd’hui dans ses interventions. Depuis six mois, il a en effet recruté Henri Guaino, ancien directeur de campagne de Philippe Séguin lors du référendum sur le traité de Maastricht (1992) puis cheville ouvrière du discours de Jacques Chirac en 1995 sur la « fracture sociale ». Une thématique inspirée par cette fameuse « autre politique » et à l’époque qualifiée de « démagogie » par les balladuriens, Nicolas Sarkozy en tête.

« Sarkozy veut envoyer des messages aux électeurs qui ont voté "non" au référendum sur la Constitution européenne », décrypte un membre de la « commission projet » de l’UMP, tout en reconnaissant que « la patte d’Henri Guaino en inquiète plus d’un ». Commentaire ironique d’un ministre chiraquien : « Un coup libéral, un coup gaulliste : ce sera du zigzag jusqu’au 14 janvier », date du choix par les adhérents du candidat soutenu par l’UMP à la présidentielle. Quoi qu’il en soit, cela permet aussi de ne pas laisser d’espace à ceux qui, au sein du parti (Nicolas Dupont-Aignan) ou au gouvernement (Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie), veulent relever l’héritage gaulliste face à un Nicolas Sarkozy dénoncé comme « atlantiste », « ultra-libéral » et « communautariste ».

Ce double discours n’est pas sans rappeler la première campagne présidentielle victorieuse de Jacques Chirac, qui joua également sur les deux tableaux avec le soutien à la fois du « libéral libertaire » Alain Madelin et du « gaulliste social » Philippe Séguin. En sourdine, une lutte d’influence se joue d’ailleurs entre les deux principales plumes de Nicolas Sarkozy : d’un côté la « libéral-conservatrice » Emmanuelle Mignon, conseillère au ministre de l’Intérieur et directrice des études de l’UMP ; de l’autre le « national-républicain » Henri Guaino, qui a retrouvé en septembre dernier Philippe Séguin à la Cour des comptes. Rédigée par Guaino, une partie du discours sur la mondialisation prononcé par Nicolas Sarkozy, le 9 novembre, à Saint-Étienne, aurait ainsi été « censurée » car « pas assez libérale » par Claude Guéant, directeur de cabinet du ministre. « Il faut beaucoup de talent pour concilier les contraires… », ironisait le même jour Jean-Louis Debré, président chiraquien de l’Assemblée nationale, dans La Croix.

Une critique qui est à mettre en parallèle avec celle formulée par Nicolas Sarkozy à l’encontre du programme élaboré en 1998 par le RPR, dont Philippe Séguin était alors le président et lui-même le secrétaire général : « Voulant rassembler, le texte recelait de fameuses contradictions idéologiques, écrivait en 2001 l’ancien balladurien dans Libre (Éd. Robert Laffont). Il avait du souffle, mais en plusieurs occasions, notamment sur l’Europe et la place de l’État dans la société, n’échappait pas à certaines incohérences (…) Cette tentative programmatique, à force de concilier l’inconciliable, perdait en force et surtout en lisibilité ».

 

Laurent de Boissieu avec Solenn de Royer

© La Croix, 16/11/2006

 

12 octobre 2006

Sarkozy, les chiraquiens et la présidentielle

Gros titres la semaine dernière sur l'unité au sein de l'UMP. Gros titres cette semaine sur la division au sein de l'UMP.

Mais que s'est-il passé d'une semaine à l'autre ? Rien !

Reflet d'un certain journalisme politique avec des oeillères, qui se focalise uniquement sur les petites phrases d'un jour.

 

Car, il est bien évident que, cette semaine tout autant que la semaine dernière :

- d'une part les chiraquiens n'ont aucune envie de soutenir Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle et se tiennent donc prêts à soutenir un(e) autre candidat(e) issu du "clan"

- d'autre part Nicolas Sarkozy est, pour l'heure, le candidat incontournable de la majorité à l'élection présidentielle

 

Dans l'hypothèse où les chiraquiens ne sont pas en mesure de présenter leur propre candidat, reste à savoir si certains d'entre eux - par rancune ou rancoeur ("tout sauf Sarko") ou encore par calcul politique (récupérer le parti en cas d'échec de Sarkozy à la présidentielle, le faire perdre en 2007 pour mieux préparer sa propre candidature en 2012) - ne feront pas le jeu de l'opposition.

Comme Jacques Chirac en 1981. Ou François Mitterrand en 1995.

Une crainte en tout cas présente chez Nicolas Sarkozy, si j'en crois les confidences récentes de l'un des ses proches collaborateurs ("Chirac, Villepin, Alliot-Marie et même Dupont-Aignan ont déjà tout fait et feront tout pour le faire chuter") et d'un  ténor sarkozyste de l'UMP ("Jacques Chirac a tué Chaban en 1974, Giscard en 1981, Barre en 1988, Balladur en 1995 : j'attends la cinquième trahison"*).

 

* phrase inexacte, puisque la seule véritable trahison de Chirac, au sein de sa famille politique, est celle de Chaban-Delmas

01 octobre 2006

la vraie rupture de Laurent Fabius

"Si j'ai changé ? Oui, je l'assume complètement", a expliqué Laurent Fabius, vendredi dernier, lors de l'université de rentrée du courant Forces militantes pour la démocratie et le socialisme (FMDS).

 

On peut ne pas être d'accord avec les idées et les choix de Laurent Fabius. Mais il est suffisamment rare qu'un présidentiable reconnaisse avoir changé pour ne pas le souligner. Bien entendu, nul ne peut savoir, au fond, ce que pense réellement Laurent Fabius. Mais voilà une déclaration qui met au moins de la cohérence dans ses propos et son parcours : il y a bien eu, en 2002, une rupture idéologique personnelle.

 

On aurait pu, par exemple, attendre la même explication de la part de Nicolas Sarkozy lorsqu'il prononça, le 22 juin 2006, à Agen, un discours de rupture avec l'orientation économique et européenne de la France depuis 1983, gouvernements de gauche et de droite confondus. L'ancien balladurien aurait-il subitement été converti par Henri Guaino aux thèses de l'"autre politique" ? Dans une telle hypothèse, on aurait aimé entendre le président de l'UMP dire : "Si j'ai changé ? Oui, je l'assume complètement". Il n'en fut rien.

Peut-être tout simplement parce que, lui, au-delà du discours, il n'avait pas changé...